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21 juillet 2008 1 21 /07 /juillet /2008 23:00
 
Jean-Efflam Bavouzet, premier récital à Saintes


Jean-Efflam Bavouzet donnait ce soir son premier récital à Saintes. Ce spécialiste de l’impressionnisme français, que nous avions déjà remarqué au disque, s’est illustré dans son répertoire favori, avec des œuvres de Debussy et Ravel, mais c’est par une sonate de Beethoven que son concert a débuté.

Bavouzet est un homme affable et souriant, qui n’hésite pas à parler au public au début de chaque pièce, pour en faire une brève présentation – et justifier quelques changements de programme, puisque c’est la deuxième sonate Op.2, et non la quatrième Op.7 comme il était prévu, que nous avons pu entendre hier. Il débute sa prestation par une brève pièce de Liszt tirée des Harmonies poétiques et religieuses, intitulée Invocation, dont il a su rendre l’aventureuse recherche harmonique avec ferveur. Il enchaîne ensuite avec une sonate de Beethoven interprétée de façon brute, nerveuse, acérée, aux accents mordants et aux contrastes presque agressifs – que l’on est loin ici du style fluide et « liquide » que nous lui connaissions dans
 ses disques Ravel et Debussy ! Cette recherche stylistique apparaît très bienvenue, et son Beethoven est fort enthousiasmant, même si on aura pu le juger un peu trop brutal par moments – il est vrai que le premier mouvement était particulièrement véhément. Mais il y a une véritable poésie dans le Largo, que Bavouzet s’est visiblement appliqué à construire et à élaborer avec une précision très intéressante.

Le récital, commencé sur ce Beethoven intransigeant mais au demeurant tout à fait convaincant, se poursuit ensuite avec un compositeur que le pianiste a glorieusement réussi au disque, Debussy, dont on a pu entendre – seulement ! – le livre I des Images. On retrouve là, comme antithèse du mordant de son Beethoven, ses phrasés fluides et sa sonorité éthérée – quels Reflets dans l’eau extatiques ! Même si l’acoustique, très réverbérée, n’a pas facilité le travail de l’interprète, ce Debussy est bien l’un des plus intéressants et des plus fascinants qu’on ait pu entendre.

Après l’entracte, Bavouzet reprend avec un autre compositeur qui lui est cher, Ravel. Ses explications se sont faites plus brèves, la faute sans doute au concert qui devait suivre son récital, mais la musique était toujours là, et bien là : Bavouzet est au moins aussi passionnant dans Ravel que dans son contemporain Debussy. Si on lui retrouve la même sonorité cristalline et lumineuse, le pianiste sait bien rendre la différence entre les deux compositeurs, son Ravel apparaissant plus acéré, plus mordant dans ses dissonances. Cela nous donne des Miroirs fort convaincants, où brillant – Alborada del Gracioso glorieux, que le public ne peut se retenir d’applaudir malgré les avertissements du pianiste – rêve et poésie se cumulent et se superposent dans une synthèse remarquable de cohérence interne. Cela confirme notre sentiment à l’écoute du disque : la prestation de ce pianiste passionnant n’est pas bien loin des réussites historiques de Samson François ou Jean-Philippe Collard.

Dans Gaspard de la Nuit, l’impact de l’expressivité de l’interprète est tout à fait saisissant : la tension harmonique est rendue avec une ardeur enthousiasmante dans les mouvements extrêmes, tandis que le deuxième nous entraîne sur des terres envoûtantes, d’un raffinement que nous trouvons sincèrement assez inégalé. Malgré l’acoustique de l’Abbaye, qui convient décidément mal au piano – nous en avions déjà le sentiment lors des prestations de Brautigam la semaine dernière – nous avons vécu là un moment passionnant, conclu par une lecture juste et touchante du Menuet Antique en bis, et l’on espère revoir ce réjouissant et fort aimable pianiste très bientôt au festival.


                                                        © Classiqueinfo.com     lundi 21 juillet 2008  par  Benoît Donnet
 




                                                          Détail du Programme




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